Quel téléphone chinois

Publié le : 05 mai 20207 mins de lecture

Dans la hotte des achats de Noël, les téléphones chinois portables figurent en bonne place. Car les données fournies par les fabricants sont fondées sur des tests effectués dans le laboratoire, selon des procédures très différentes des conditions réelles d’utilisation des mobiles. C’est ce que dénoncent aujourd’hui des militants« anti-ondes», qui voient dans le« scandale industriel et sanitaire» de même nature que « dieselgate».

«Phonegate» donc ? Dans le cas présent, il n’est pas d’une tricherie au sens du mot, mais plutôt d’un brouillage des données de l’utilisateur, avec le but de la faveur d’une réglementation est faible. Les problèmes de santé ne sont pas moins importants. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé les radiofréquences comme« peut-être cancérogènes pour l’homme».

Dossier-c’est une technique, ce qui contribue à son opacité. L’exposition aux radiofréquences émises et reçues par un téléphone chinois portable est mesurée par le taux d’absorption spécifique (DAS), exprimé en watts par kilogramme (W/kg). Il s’agit de la quantité d’énergie absorbée, sous forme de chaleur, dans les tissus biologiques. En Europe, une réglementation de 1999 a fixé la valeur à ne pas dépasser à 2 W/kg pour l’exposition de la tête et du tronc, et à 4 W/kg pour les membres.

Les fabricants se conforment à ces normes… du moins quand l’appareil n’est pas placé au contact du corps. Pour certifier leurs modèles, ils font en effet procéder à des essais en laboratoire. L’exposition au niveau de la tête est évaluée, pas sur des cobayes humains, mais sur des mannequins remplis d’eau et de sucre. Pour le corps, on se contente de la capacité pour l’eau.

Or, si, pour les tests au niveau de la tête, la réglementation exige que la mesure soit faite d’un téléphone collé à l’oreille, pour ceux au niveau du reste du corps, elle laisse les industriels libres de fixer la distance à laquelle est placé l’appareil. Et de la choisir en sorte, précisément, que la limite d’exposition ne soit pas être dépassée.

À l’exception des modèles les plus récents, pour lesquels la distance lors des tests a été raccourcie, celle-ci était jusqu’ici d’environ 15 mm, plus de 25 mm de large. Rappelons que même quand l’utilisateur ne téléphone pas, son mobile, lorsqu’il est en mode de veille connecté et la source de radiofréquences.

Agence nationale des fréquences (ANFR), établissement public responsable de ce domaine, a fait procéder à ses propres évaluations, dans les laboratoires de l’europe, sur un échantillon de 95 téléphones mobiles sélectionnés dans les différents points de vente depuis le début de 2012 et jusqu’à la fin de 2014, et 71 autres sélectionnés au cours de l’année 2015. A une distance du corps de 1,5 cm ne dépasse pas 2 W/kg.

Mais elle a fait réaliser de nouvelles mesures avec, cette fois, l’appareil en contact du corps. Les résultats sont très différents. Ils sont rapportés dans l’avis de juillet 2016 de l’Anses. Quelques-uns atteignaient même 7 W/kg. Ces dépassements ne concernent pas l’exposition de la tête, et le reste du corps.

Les industriels font valoir que les notices d’utilisation de leurs produits, de même que les informations accessibles en ligne ou sur votre smartphone lui-même, mentionnent bien que les tests ont été effectués à une certaine distance du corps et elle doit être respectée pour ne pas dépasser les niveaux d’exposition certifiés. Encore faut-il scruter à la loupe cette documentation pour le savoir. Au demeurant, l’ANFR a constaté que« manuel d’utilisation de 25% des téléphones contrôlée, ayant DAS contact avec le corps plus de 2 W/kg n’indiquait pas de distance minimale.

«Pas de portable pour les enfants»

Les résultats détaillés de la contre-expertise n’ont pas été divulgués. Ex-coordinateur national de l’association Priartem (Pour rassembler, informer et agir sur les risques liés aux technologies électromagnétiques), Marc Arazi, aujourd’hui« expert indépendant», a vainement tenté d’obtenir. Il a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui s’est dite« favorable» à la communication des données de l’ANFR, avant le 29 décembre.

Interrogé par Le Monde, Gilles Brégant, directeur de l’établissement de contrôle, indique cependant, qu’il ne les rendra pas publiques. La raison:« la loi interdit de les transmettre à des tiers, ces données ayant été recueillies dans le cadre de procédures pouvant donner lieu à des sanctions.» Sollicités directement, Apple et Samsung n’ont pas souhaité faire de commentaire.

ANFR n’est pas en reste pour autant sans réaction. Elle dit son directeur, alerté les autorités françaises, qui ont demandé à la Commission européenne. Elle a adopté, en avril, une décision disposant que les tests de certification doivent être effectuées à une distance du tronc pas plus de quelques millimètres». Cette formulation laisse encore une marge de manœuvre aux industriels, mais, assure M. Brégant,« tous les appareils vendus depuis avril 2016 sont vérifiées à 5 mm du corps». Cette mesure tardive ne règle rien, toutefois, pour tous les mobiles déjà en service. En France, 25 millions de téléphones portables sont mis chaque année sur le marché.

Sans aucun doute la question des dangers des radiofréquences reste-t-elle débattue.

porte-parole de l’association Robin des toits, Etienne Cendrier souligne que« le cerveau humain n’est pas fait d’eau et de sucre comme les mannequins des tests». Il ajoute que« les normes d’exposition, outre qu’elles sont très élevés, ne prennent en compte que les effets thermiques, à l’exclusion d’autres risques tels que les cancers sont possibles». La présidente de Priartem, Janine Le Calvez, en tire de son côté, la leçon radicale:« Pas de portable pour les enfants!»

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